Il conjugue la passion des livres et celle du vélo
Amoureux à la fois de lecture et de vélo, Jean-Pierre Brèthes, bibliothécaire fraîchement retraité, a décidé de conjuguer ses deux passions et a construit un projet : faire le tour de la France à vélo et en pratiquant la cyclo-lecture. Il a accompli sa première randonnée cyclo-littéraire au printemps 2007, et le journal qu'il a tenu vient de paraître (Geste éditions) sous le titre « Le journal d'un lecteur, le Poitou-Charentes et l'Aquitaine à bicyclette ».
Le livre est sans prétention, mais se lit comme on écoute un ami raconter les anecdotes du chemin. Digressions, tribulations, évocations diverses s'y mêlent avec une nonchalance heureuse. Jean-Pierre Brèthes raconte les péripéties cyclistes et ferroviaires (en amateur de trains, il utilise le TER pour les étapes longues) qui émaillent son périple, les biches croisées, les hérons cendrés, le chant des grillons, la traversée des villages dont les noms s'égrènent, l'hospitalité des gens humbles, les amis retrouvés grâce à son aventure de cyclo-lecteur. Il nous fait respirer l'odeur des fenaisons, sinuer avec les rivières, grimper l'épaule des collines. Un peu Don Quichotte, soignant sa Rossinante, il évoque aussi ses utopies (« Le militantisme a évolué : autrefois, on luttait pour un monde meilleur. Aujourd'hui, plus humblement, on se bat pour que demain ne soit pas pire qu'aujourd'hui », note-il), râle parfois, pousse quelques coups de gueule (contre l'arrogance des automobilistes, notamment), déplore la multiplication des clôtures et l'enfermement ici, le mépris pour les Sdf ailleurs... et la religion de la vitesse un peu partout ! Chemin faisant à travers les Landes, il évoque des souvenirs d'enfance, médite sur les bienfaits de la bicyclette et de la lecture, esquisse une galerie de portraits de ses hôtes et de ses publics, des réflexions sur les bibliothèques et leur fréquentation, les avantages du vélo et, dans cet sorte d'éloge de la lenteur et du plaisir de flâner, il s'aperçoit, à travers les livres dont il parle et qu'il fait parler, comme sur les routes, à travers les paysages et les souvenirs, qu'il a en quelque façon remonté le temps.
(230 pages. 16 euros. Geste éditions. 11, rue Norman-Borlaug. 79260. La Crèche.)
Lecteur, mais aussi poète
Jean-Pierre Brèthes est né à Bordeaux en 1945. Il a fait ses études dans les Landes, d'où son père était originaire, puis a préparé une licence de géographie à Pau et à Bordeaux. Après un bref passage dans l'enseignement, il est devenu conservateur de bibliothèque et a exercé successivement à Angers, Auch, Basse-Terre (Guadeloupe), Amiens et Poitiers, où il fut quelque temps conseiller pour le livre et la lecture à la DRAC. Il est marié et père de deux enfants.
Grand lecteur, Jean-Pierre Brèthes a toujours aimé faire partager ses découvertes. Il a animé des clubs de lecture, fait venir de nombreux écrivains dans les bibliothèques où il a travaillé. Depuis quelque temps, il pratique avec une amie la lecture à haute voix à la Maison d'arrêt de Poitiers, mais comme il aime aussi la bicyclette, il s'est lancé dans son projet de retraite : faire le tour de la France à vélo et en pratiquant la cyclo-lecture. Il a fait sa première randonnée cyclo-littéraire au printemps 2007, et le journal qu'il a tenu vient de paraître (Geste éditions) sous le titre « Le journal d'un lecteur, le Poitou-Charentes et l'Aquitaine à bicyclette ». Il y raconte ses préparatifs, des péripéties cyclistes et ferroviaires, les lectures, l'accueil reçu, les rencontres et les paysages, évoque des souvenirs, et médite sur les bienfaits de la bicyclette et de la lecture. Chemin faisant, le cyclo-lecteur, revenu sur les lieux de son passé d'enfant et d'adolescent, s'aperçoit qu'il a en quelque façon remonté le temps.
Parallèlement, il a toujours beaucoup écrit, notamment des poèmes. Il prépare actuellement un recueil, le deuxième volume de son journal, ainsi qu'une publication des études qu'il a consacrées à quelques-uns de ses écrivains favoris.
On peut le contacter en lui écrivant à jean.pierre.brethes@gmail.com
et découvrir son site : http://cyclo-lecteur.blogspot.com/
Quelques poèmes inédits
Jour naissant
Quand la fente de la nuit révèle l'aube
le vent s'amuse à tresser les cheveux des arbres
il joue avec le restant d'étoiles
Toi tu poses ton pied dans le jour
tu picores l'ombre
tu pourfends les fumées de l'âme
tu es dans cet intervalle un homme de trop
Tu illumines la poussière du temps
tu étreins l'arbre
et le jour fleurit dans ta main
***
Au pied de la lettre tu saisis une ombre
la vie continue à se taire
tu te grandis entre deux arbres
les mots soulèvent leurs racines
la phrase déballe ses feuilles
le sentiment brise les nervures des branches
Tu tutoies l'épaule des géants
Silence du matin
Le silence impressionne
au loin un chien aboie
l'écureuil lance son point
d'interrogation
sur le I majuscule du tronc
Le soleil foule la rosée
et te voici
creusant ta voûte
tu te déplies avec lenteur
ton œil chavire
Tu songes
un oiseau chante
il fait froid
soleil tu mens
le pic dérange le silence
tu plonges nu dans l'eau du temps
***
Radieux
Tu creuses les distances
tu habilles les racines
tu ris
Tu plies le soleil à tes courbes
tu te tends sous l'arc de la pluie
tu jubiles
Tu brises la lune en mille éclats
tu piétines des reflets éteints
tu aspires l'eau de tes mains
Tu resplendis
***
V. W.
A Virginia Woolf
A la fraîcheur de l'eau elle transmet la sienne
Elle qui fut jadis incandescente
Quand dans un lit captif elle attendait le prince
Chargé de décoiffer ses orteils pétrifiés
Mais voici qu'aujourd'hui le prince a disparu
Et la voilà bien seule à espérer qu'arrive
Du fond du flot boueux quelque poisson de lune
Qui pourrait raviver sa mémoire en dérive
Alors de son pied nu elle tâte le sable
Mouillé qui répercute le silence
L'hiver est si pur en ce jour qui décline
Le nuage là-haut ressemble à un caveau
Et elle avance lente dans l'eau glacée
Qui lui bat les mollets comme une écharpe
Puis elle s'enfonce des cailloux plein les poches
A la fraîcheur de l'eau elle transmet la sienne
***
Venir à la lumière
La nuit n'en peut plus
tu bois le vin des rêves
et habillé de songes tu te lèves
Les yeux fixés au ciel
tu prends le compas des étoiles
le silence te hante
Et quand la dernière étoile étanche sa soif
tu fermes les yeux et laisses l'aube te pénétrer
Dans le creux de ta main l'ombre s'efface
ton image est bien la bonne
Tu consens à la lumière !
***
Surgir
Tu surgis dans un cri comme une déchirure
tu étais bien au chaud et le cafard te lampe
l'abandon te taraude au long des jours sans fin
dans l'attente patiente de la douceur
Tu reconnais bientôt un visage une voix
tu souris à la peur du néant
et tu tâtes tes mains et ta tête et tes jambes
pour te convaincre que tu ne sais rien faire
Plus tard ton pas s'affermit se dirige
vers l'inconnu dans l'effarouchement
les tiroirs les chaises la table les murs
te disent les secrets de la récréation
Tu verras c'est si simple une vie dérisoire
essayer de grandir dans un monde si creux
où les géants oublient
qu'un jour ils ont été plongés dans ce mystère
**
Alentour
Qu'y a-t-il alentour ?
un arbre mort peut-être
un lit qui se débine
un corbeau une croix
Pourtant la haie chante les fleurs
les feuilles bleuissent de plaisir
car le soleil leur chuchote à l'oreille
il est venu le temps d'aimer
Qu'y a-t-il alentour ?
Une abeille prise dans la toile
un arbre creux tambour d'oiseau
une mouche te pique au talon
L'été bourdonne tout seul
ton poil chatouille le vent
sur le fauteuil somnole la saison
avec les vêtements en vadrouille
Puisqu'il n'y a rien alentour
tu te meus nu sur la dunette
de ton voilier imaginaire
et tu brasses l'écume du Temps
***
Aube
Tu te promènes dans l'aube grise
le rossignol te souffle dans l'oreille
et tu suis les traces du lapin
Il tombe quelques gouttes
des larmes
ton œil se trouble
tu respires
l'air tremble
tu retires ton vêtement de nuit
Et tu t'allonges insecte nu sur l'herbe
ton corps frissonne de rosée
tu lèves tes mains en l'air
tu les agites
tu crois voir des branches déchirant les nuages
Poèmes inédits.