Entre les lignes (récits)
La Table Ronde éd.
122 pages. 12 euros

Ce qu’en a dit la presse :
Entre les lignes n’est pas un livre sur la cocaïne mais sur les chemins de fer. C’est le vingt-troisième ouvrage de Michel Baglin, qui écrit depuis 1974. Il est temps que vous lisiez ce poète, journaliste à La Dépêche du Midi.
Il écrit doucement bien, avec une gourmandise tranquille. Ce prosateur sincère, délicat et subtil ne s’est pas pressé, sauf pour attraper un train – dépêchez-vous quand même de le lire ! Le train, c’est l’enfance. On entre pour la première fois dans une gare derrière des parents, voire des grands-parents. Baglin nous décrit, dans un même élan de nostalgie nervalienne, ses locos et ses vieux. Un jour, il se coince même le pied sous la barrière d’un passage à niveau. Ça me rappelle ma première femme, tombée dans la lagune par fascination pour Venise. Je ne l’avais même pas poussée ! Après avoir pris le train, l’enfant veut un train électrique, pour installer le monde entier dans sa chambre. Y a-t-il encore des trains électriques ? On dirait bien que non. Mais ça reviendra, comme est revenu le patin à roulettes.
Le petit Michel a de la chance : ses parents ont des amis gardes-barrières. Son grand plaisir est évidemment de dormir chez eux. Les trains qui passent le transportent ! Ses parents se plaignent d’avoir été réveillés, lui n’a jamais si bien dormi. On se demande pourquoi, avec de telles dispositions, il n’est pas devenu chef de gare, c’est quand même mieux que journaliste à La Dépêche du Midi. Mais peut-être que les chefs de gare, c’est comme les trains électriques : il n’y en a plus. Baglin écrit: « Je suis persuadé que la vraie vie est partout où l’on est libre d’aller et de repartir. » Ajoute : « Partout où le train accède. » Quand il n’y a pas de train, il n’y a pas d’espoir. (…)
Baglin sera, dans sa jeunesse, vendeur ambulant de boissons et de nourriture à l’intérieur d’un train Corail. Ça nous vaut, dans ce texte teinté de romantisme, quelques bonnes pages prolétariennes. Il hait les passagers de première classe. Il devrait les plaindre au contraire : il n’y a jamais une jolie fille parmi eux. Le train est le seul endroit au monde où les riches sont punis : toutes les jolies filles sont dans l’autre wagon ! Dans tout bon livre doit passer une vie, celle de l’auteur et par conséquent celle du lecteur, la morale étant bien sûr que nous avons tous la même vie. Baglin écrit à notre place ce que nous savons sur le train. Entre les lignes procure ce petit enchantement printanier qui consiste à découvrir encore, après trente-cinq ans de lectures, un écrivain qu’on ne connaissait pas et qu’on aimera toute la vie. C’est donc quand même un peu de la cocaïne !
Patrick Besson (Le Figaro littéraire)
Trains de vie : C’était la bête humaine, un monstre fumant que Jean Gabin conduisait, tête noircie au vent, sur le Paris-Le Havre. C’était aussi la geste héroïque des cheminots pendant l’Occupation allemande. C’était encore l’idée du progrès, l’image de la solidarité, et la preuve tératologique de la puissance des hommes. C’était le bruit et la fureur de ces convois courroucés qui faisaient trembler la terre, décoiffaient les arbres, effrayaient les badauds aux yeux rougis par les escarbilles. (…) Aujourd’hui, le train ne fait plus rêver. Il est trop propre, trop silencieux, trop confortable. Il va trop vite. Il crissait, il glisse. Il roulait vitres ouvertes, c’est un huis clos climatisé qui se déplace. Il était peuplé, il est inhabité. Aux voyageurs qui, pour les partager souvent avec des inconnus, amenaient leurs provisions dans des paniers d’osier, et dont les effluves charcutiers, fruités, laiteux, prolongeaient ou annonçaient l’air de la campagne, ont succédé les clients en costume qui font la queue au wagon-bar. Les locomotives sont devenues des motrices et les excursions, des trajets. Les trains électriques ennuient les enfants. Oui, la légende est morte.
Dans un livre émouvant et juste, le poète Michel Baglin paie sa dette aux chemins de fer qui, dans un sifflement de western, ont traversé son enfance. Chaque année, il allait passer quelques jours chez ses cousins, gardes-barrière à Sartrouville. Le petit Michel a connu dans leur maisonnette ballottée par les galops machinaux des moments d’ivresse, un mélange de terreur et de fascination et d’inoubliables nuits blanches, voyageuses. Près de La Rochelle , où se déroulaient ses vacances d’été, il préférait aux bains de mer la fréquentation sous abri des « bisons d’acier », dans un dépôt de la SNCF où travaillait un de ses oncles, lampiste de son état. Il admirait les manœuvres du pont tournant, montait avec émotion dans les locomotives, observait le chauffeur nettoyer la chaudière avec du suif et ouvrir le gueulard, revenait plein de taches d’huile et de cambouis. Il doit son plus beau souvenir au mécano qui l’a laissé un jour conduire, sur quelques mètres, une Pacific. La nuit suivante fut rythmée, dans un rêve qui n’en finit toujours pas, par la musique métallique du dépôt, «les fumerolles enveloppant les locomotives au pied des tours à charbon, la silhouette des hommes en bleu de chauffe peaufinant les graissages devant des roues plus grandes qu’eux, les tourbillons de vapeur mouillant les fosses à piquer, les éclats huileux des bielles sous les falots et les lampes tempêtes accrochées à la grue hydraulique ».
Cheminot contrarié, Michel Baglin, avant de devenir journaliste à « la Dépêche du Midi », a tout de même travaillé dans des trains, au titre de vendeur ambulant. De la manière, hautaine, impérieuse et grimaçante, dont les voyageurs de 1ere classe achetaient un jambon-beurre, alors que les clients de seconde fêtaient l’apparition de sa livrée et l’arrivée de son chariot avec un gourmandise ostentatoire, l’écrivain a tiré un manière de morale provisoire sur la France d’en bas et la France d’en haut ainsi qu’un philosophie de la vie dont le prédicat serait « Mordre dans un sandwich quand on a faim. »
Jérôme Garcin. (Le Nouvel Observateur)
Si comme moi vous aimez les trains, ce petit livre d’amour est pour vous. Personne depuis Cendrars et Larbaud n’avait aussi bien évoqué les paysages défilant à travers la fenêtre, le son si rassurant des roues sur les rails, les locos fumantes, les tortillards comme les TGV.
Olivier Barrot. ( Télé 7 jours)
Entre les lignes, il y a de la poésie et de l’intimité. Au gré de ses pérégrinations ferroviaires, Michel Baglin partage ses impressions de voyage et ses souvenirs d’enfance. Pensées, livrées le long des voies, au train d’une méditation sensible et paisible. « Chaque train qui passait me semblait un monde clos et insaisissable, d’autant plus fascinant qu’il emportait son mystère », souligne l’observateur.
Mais il ne s’est pas contenté de regarder passer les trains : certains l’ont emmené très loin. D’autres ont animé ses rêves d’enfant : « Beaucoup d’images se bousculent dans la mémoire alors que j’évoque les trains... » Du passé, reviennent les images des cheminots, des entrepôts et des locomotives fumantes. Et c’est aussi le début de l’aventure pour celui qui fut à son heure vendeur de sandwichs dans les trains avant de prendre la plume : « Au bout des rails, au bout du compte, c’est le monde que j’attendais. »
Au fil des impressions, les mots restituent des images fortes, évocatrices, véritables invitations au voyage. Un itinéraire contagieux et envoûtant : « Je fus persuadé que la vraie vie est partout où l’on est libre d’aller et de repartir. Partout ou le train accède. »
Christophe Henning. ( La Voix du Nord)
Voilà un petit livre parmi les plus charmants. Le titre déjà faufile son mystère. À l’évidence, le double sens fait se croiser le destin et la couleur de l’encre. La mémoire ouvre l’avenir. Non seulement ce titre, aérien autant que terrestre, condense le départ et l’arrivée, mais l’ouvrage entier participe pleinement de la métaphysique, car les livres comme les trains proposent « de longs saluts aux sédentaires ». Ces derniers, que nous croyons incarner, partent aussi. La différence est que ceux qui conduisent les machines, un jour, ne reviennent plus. Les livres sont nos voies que d’autres empruntent par moments – nul ne sait jamais où ni jusqu’à quand. L’obsolescence est tout notre avenir.
C’est toutefois un des charmes de ce livre de modeste dimension que de ne pas peser. Non pas que Michel Baglin cultive trop modérément la mélancolie, mais il a cette délicatesse de considérer « ses petites écritures ». Cette modestie foncière est une garantie d’honnêteté. Ce que le poète des Mains nues [L’Âge d’homme] et de l’Obscur Vertige des vivants [le Dé bleu] propose, c’est rien moins que de revisiter sa jeunesse. Il ne se berce d’aucun passéisme ; au contraire, les anecdotes rapportées sont aussitôt transcendées. Ainsi celle, très belle, de la « place sous la neige » illustre-t-elle à ses propres yeux un « improbable Graal du voyage immobile ».
C’est ainsi que le fruit de l’expérience, sous le couvert d’un bref tournage dans le wagon des premières classes, témoigne d’une très ancienne et toujours vivace acuité sur la nature humaine. Voilà un petit livre propre, net, et qui remplit le lecteur d’un sentiment trop peu fréquent : la gratitude.
Pierre Perrin. (L’Autre Sud)
« Je me suis toujours senti une dette envers les trains » annonce Michel Baglin dans son dernier livre Entre les lignes. Ce récit en forme de voyage dans « les territoires de l’enfance » est une manière d’autobiographie prenant la passion pour les trains à la fois comme point d’ancrage et comme ligne de fuite. Le « pays des trains », célébré par l’écrivain, révèle ici une géographie sentimentale et sans doute la naissance d’une vocation mariant « l’approche des microcosmes et le recul du regard englobant, la création et la contemplation, le souci de la réalité et le recours à l’imaginaire. » Jeux d’enfants, souvenirs de cheminots, découverte de ces étranges machines : Entre les lignes emprunte des voies intimes pour évoquer des aspirations universelles. Mais les promesses de départ et d’ouverture au monde charriées par les trains portent aussi le désenchantement des adieux à l’enfance : « J’avais rêvé d’horizons nouveaux dans la maison des cousins gardes-barrières, bien au chaud dans l’hiver et la paix amicale, et fidèle à l’iconographie de mon enfance, j’ai oublié que les trains, avant d’arriver, quittaient des gares d’attache. Et que partir n’allait pas sans déchirements, ni sans s’éloigner de soi. » Avec une écriture sensible, Michel Baglin distille par petites touches la mélancolie propre à ceux qui se sont dit à l’instar d’Antoine Blondin, « Un jour, nous prendrons des trains qui partent. »
Christian Authier. (L’Opinion indépendante)
Michel Baglin est un poète discret, qui éprouve à l’égard des mots une nécessaire prudence. C’est dire qu’il n’a garde d’en épuiser la saveur et de les manier à tort et à travers au prétexte qu’il est doué pour ça. Sa prose est d’une approche facile, elle vous embarque à sa suite sans qu’on y prenne garde, et c’est bien le moins qu’il puisse faire pour un petit livre qui n’a d’autre ambition que de mieux nous faire sentir, voir, respirer ce que les trains changent dans notre perception du monde.
Ce livre nous donne des yeux neufs, ce qui — on en conviendra — n’est pas donné à tous. D’abord, il y a un charme évident au balancement de ses phrases qui nous ouvrent la porte des rêves. On ne ressort pas de ces pages comme on y est entré. Il y a du réalisme magique dans le ton, dans la manière de raconter très précisément, très minutieusement les décors des gares traversées, un décor banal transfiguré par le regard d’un adulte qui se souvient de l’enfant qu’il était... Le pays des trains, le chant des trains qui promettent la mer, ont accompagné cette enfance rêvant de liberté. C’est à cet âge-là que l’auteur apprend que les lignes parallèles des chemins de fer sont le signe d’une solidarité dans une immensité... Car la vue des adolescents est perçante, elle ne s’arrête pas à la surface des choses. Elle est à la fois frémissante de l’envie du futur et en même temps elle se conforte de son immobilisme présent, à l’abri des dangers du monde. L’image consolatrice d’une place qui s’endort la nuit sous la neige court le long de ces pages où l’on pense fugacement à des images brèves d’Amarcord de Fellini.
Réhabilitation de la poésie ferroviaire qui aide à prendre pied dans le monde, et réhabilitation des métiers du train, du cheminot aux mains rongées par les huiles et les graisses, au serveur en proie au mépris des premières classes, tout le livre bascule constamment, savamment et de manière drôle entre la description du rêve et du réel, entre l’onirisme et le social : « Il aurait fallu savoir aussi descendre des trains. Pour aller chercher le monde qui, comme chacun sait, se trouve entre les lignes. Mais je devais d’abord gagner ma vie.» Distance est prise cependant dans ce questionnement incessant des images de l’enfance, ces images dont Albert Camus disaient qu’elles n’étaient pas plus de deux à trois qui marquent durablement notre vie... Voilà en tout cas un petit livre en forme de bréviaire qui nous marquera lui aussi durablement.
Marie-Louise Roubaud. ( La Dépêche du Midi)
Pour prendre le train, lisez Michel Baglin. Entre les lignes est un livre nostalgique et délicieux, le livre d’un amant des lignes, des passages à niveau et de ses locomotives. Si l’on demande à Baglin : « De quel pays êtes-vous ? » il répondra : «Je suis du pays des trains. » Un pays qu’il connaît comme sa poche et qu’habitent des personnages que nous n’oublierons plus. Les lampistes ont le beau rôle «Je n’ai pas aimé l’école, mais j’aimais déjà les livres, qui m’aidaient à m’en évader», note Baglin qui se souvient d’un livre de lecture dont la couverture s’ornait d’un dessin représentant un « train à crémaillère». Un train qui gommait « les murs noirs». Il est heureux, Baglin, dans les trains, comme nous dans les pages de son livre. »
Christian Laborde. (Le Figaro Magazine)
Voici, pour l’été, un petit livre qui devrait trouver sa place dans le sac ou la poche, à côté d’un mouchoir, d’un couteau, d’un briquet, d’un peu de monnaie, sinon de quelques miettes de pain ou de poussières d’étoiles. Compagnon idéal d’un voyage à pied, à cheval ou en chimères, c’est encore dans le train, cependant, qu’il accomplit le plus justement son rôle.
L’auteur s’appelle Michel Baglin. Il vit à Toulouse où il est journaliste à La Dépêche du Midi et auteur déjà d’une vingtaine de brefs ouvrages, parmi lesquels des ensembles de nouvelles, des romans, des essais et des recueils de poèmes comme Déambulatoire (1974) ou Les Mains nues qui lui a permis d’obtenir, en 1988, le prix Max-Pol Fouchet. C’est dire s’il sait à quel point il n’existe pas de voie toute tracée des mots. C’est dire s’il connaît tout ce qui peut joncher le ballast du langage. C’est dire également s’il mesure à sa vraie proportion tout ce qui vit Entre les lignes .
Tel est, d’ailleurs, tiens!, le titre de son dernier-né, un bouquin d’un format guère plus large qu’un billet SNCF et riche d’abord du chatoiement sépia d’un temps où, pour un gosse rêveur accoudé aux barrières, « chaque train qui passait semblait alors un monde clos et insaisissable, d’autant plus fascinant qu’il emportait son mystère. »
Michel Baglin, dont l’évocation ferroviaire fait songer souvent à La Micheline , le beau récit de Patrick Drevet paru en 1990 dans la collection Haute Enfance de Gallimard, s’émeut à son tour de la résurgence d’engins anachroniques traînant « derrière eux une lanterne rouge qui est comme la gardienne des nostalgies ». Il restitue « les sifflements lointains (…) qui dans les romans de gare, déchirent la nuit ».
Il retrouve le tintement de la sonnerie dans la maisonnette des cousins garde-barrières de Sartrouville tournant la manivelle comme pour mieux préparer à la « formidable gifle de vent, de chaleur et de bruit, suivie (du) grondement effrayant de boggies, qui (...) laissait abasourdi. »
Il y a des escarbilles dans ces pages, des vieux quais où commencent « l’infini des rails et le vertige des enfants immobiles », « des foules qui tirent leurs bagages, des voyageurs qui cherchent leur chemin » et, dans la rémanence de quelque lointaine « nuit des triages, des ordres brefs, des chocs sourds et des types qui courent entre les voies pour poser les sabots. » Il y a surtout une multitude de souvenirs de prime jeunesse et d’apprentissage d’un monde grinçant comme un essieu mal huilé (« Je n’ai pas aimé l’école, mais j’aimais déjà les livres, qui m’aidaient à m’en évader ») qui se croisent dans ce récit et dont Baglin sait se faire le subtil aiguilleur, mêlant l’image enfouie des monstres d’acier qui, tout à la fois, ravissaient et épouvantaient, et celle des modèles réduits au 1/45 devant lesquels rêvaient tous les mômes de cette drôle d’époque où les matières plastiques commençaient à détrôner la ferblanterie des ancêtres. Michel Baglin est de la race migratoire et indolente des Larbaud et des Réda. Il est tout ensemble ce guetteur de l’ « improbable Graal du voyage immobile » et l’homme « frustré à chaque voyage de n’avoir pas foulé du pied l’herbe rase des alpages, d’être en somme, et une fois encore, passé à côté du réel qui (l’)appelait. »
Un conseil, alors, pour les semaines à venir : ne ratez pas le Baglin. Ses considérations Entre les lignes exercent sur le lecteur l’espèce de pouvoir consolateur qu’avait jadis sur le narrateur « l’intimité des compartiments à peine devinée » chaque fois qu’un express disparaissait à l’horizon. Jusqu’à cet aveu final qui fonce en grinçant dans la nuit des souvenirs : « Car au bout des rails, au bout du compte, c’est le monde que j’attendais ».
Didier POBEL (Le Dauphiné Libéré)