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19 février 2006 7 19 /02 /février /2006 12:56

L’Alcool des vents   (poésie)   

Le Cherche-Midi éd. 

(11 euros)

 

 

 

Ce qu'en dit la presse:

 

 

Michel Baglin, l’hymne à la vie. Michel Baglin a confié un jour qu’il convenait de « faire redescendre sur terre la poésie ». Assurément, les étranges poèmes qu’il vient de publier y contribuent. Étranges par la longueur inaccoutumée de leurs vers, et leur rythmique lancinante.

 

 Avec « L’alcool des vents », c’est un autre Michel Baglin que je découvre.

 Ici, l’écriture tout entière est mouvement de la mémoire nouant ses gerbes d’instants, de gestes, de rencontres. Ressac des riens, reflets et rumeurs. Musique intérieure. Célébration de la vie, ses ivresses, ses eaux basses, ses blessures. Avec ce qu’il faut de distance, d’humilité, de dérision parfois.

 Le réel est là, sans majuscule, et le lecteur s’accoude, « frère de comptoir ». Il écoute celui qui « trinque à tous les vertiges qui font l’homme incertain ». Il écoute le chant profond de celui qui réinvente sa vie. Qui vient « rendre grâce » cent fois, « comme on respire, comme on se bat peut-être et comme on aime ».

 En quatre mouvements amples portés par la même scansion incantatoire : chant d’ivresse, chahut d’enfance, salut au peuple silencieux des solitaires, des anonymes, des rebelles « à l’air du temps », ode buissonnière à ceux qui « s’arrêtent, se penchent, s’étonnent, s’interrogent », hors des sentiers battus du monde comme il va. Accompagnement profond, où « l’alcool des vents » rejoint « tous les poèmes qui font reprendre pied ».

 Un livre fraternel, fidèle au vif, « capable de réveiller eu chacun le poète qui s’est tu ».

 Jacqueline Saint-Jean.  Rivaginaire

 

 

 La flamme du réel

     Je lis Michel Baglin depuis le début des années quatre-vingt. Il animait alors une petite revue de poésie, Texture, qui s'ouvrait largement aux poètes plus ou moins connus du moment... La revue se transformait parfois en recueil consacré à un auteur : c'est ainsi qu'en 1989, son n° 34/35 était un livre de Georges Cathalo, Lignes de charge... Mais auparavant, Baglin avait publié à l'enseigne de Texture deux recueils de poèmes, Feux et lieux à l'automne 1982 et Quête du poème à l'automne 1986. Et un livre de nouvelles, Ruptures, en 1986 toujours. J'avais été sensible à un auteur attentif au réel, à un poète qui mettait le lyrisme au service du quotidien, qui s'attachait à dire ces mille petites choses qui font une vie anonyme et qui s’ouvrent, mine de rien, sur l’absolu (qui, finalement, n'est qu’en nous...) Et il y avait cette volonté de dire encore et toujours le réel malgré les difficultés de l'écriture « Je suis frustré de ce que la lumière m¹a promis, fasciné par le feu de ce que je n'ai pas saisi. Je rentre au soir les jambes  lourdes et plus encore le cœur, des mots qui n'ont pas servi. »

 Et c'est cet amour des mots (leur utilité même) qui me touche dans le nouveau livre de Michel Baglin, L'alcool des vents ; le même emportement vers la vie, vers la réalité lourde et légère à la fois qui nous saute au corps à chaque instant et que je lisais dans Jour et nuit : «Prendre eau, prendre air/en brassant/l'instant//Absorber : volute ivre/éphémère/la lumière…»     

 Oui, mais voilà, la voix est devenue  plus grave, le vers plus ample jusqu'à devenir verset, le poème se perdant aux confins de la prose... Et ce qui me frappe dans L'alcool des vents c’est ce désir de réalisme clairement affirmé mais qui ne se laisse pas réduire à un terne reflet de ce réel que l'économisme ambiant veut nous faire prendre pour l'horizon indépassable de la pensée: Michel Baglin est net : « Je rends grâce aux coups de vent, de chance et de tabac, à la dent du réel et à sa griffe de chat / qui toujours rattrape et déchire la puritaine, la frigide, la stérile réalité des réalistes. » (Inutile de dire que ces réalistes ne sont que les cyniques qui se satisfont du monde tel qu’il va ou plutôt tel qu’il ne va pas, et qui ne veulent pas le transformer.) Michel Baglin n’en finit pas de rendre grâce ; tout y passe : la jeunesse, l'enfance, l'école, les plus lointains souvenirs, des riens, la «sarabande des poussières », les paysages traversés, habités, les « rebelles du temps »... .

 L'Histoire n'est jamais bien loin de ces poèmes : « À celui qu'on vit dans l'assemblée nazie les bras croisés quand les autres saluaient ; au maire qui n’inscrivit que son nom sur la liste des otages à fusiller ». C'est qu'il s'agit pour l'athée qu'il est de « laisser venir au monde tout le réel qu'on porte / et qui mûrit quand on écoute / et s'accomplit si l'on consent. »

 Il faudrait citer tout le livre alors qu'il faut le lire. Parlant de réalisme, je ne peux m’empêcher de penser à Aragon. Qu’on ne se méprenne pas : Baglin n'est pas Aragon, la voix n’est pas la même, la posture est différente. Mais, car il y a un mais, la dernière page, dédiée à Jackie, commence ainsi : « Tu rendras grâce toi aussi au sortir de ta déprime...» Le TU après le JE. Certes ; et tout ce long épanchement verbal ne prend son sens que par ces derniers mots. De l'horizon de l'un à l'horizon de l'autre ; leçon d'amour et de fraternité. Mais aussi leçon de réalisme : comment alors s’empêcher de penser à ce qu'écrivait Aragon dans sa préface aux Trente et un sonnets de Guillevic ? : « Il m'est arrivé de dire de mes propres vers que j’aurais tous voulu les écrire sur le modèle d’un vers du Crève-cœur, "la grande épicerie en cendres", parce que tout y est vrai : c'était une épicerie, elle était grande, et elle était en cendres, et c'est un vers (peut-être pour ce mariage sonore de cendre et d’épicerie).

 Oui, chez Baglin, tout est vrai ; qu'on le lise. Et il y a cette unité dialectique profonde entre le vers qui court vers ses vingt syllabes et le contenu qui vient de la vie et qui nous y renvoie...

 Lucien Wasselin.  (revue Faites entrer l’infini)

 

 

 

Rendre grâce, tel est le souhait exprimé par Michel Baglin dans ce recueil, mais rendre grâce, comme il le dit, « à des riens ». Ce sont eux qui, par leur importance, constituent l’essentiel de sa démarche, ces «riens» qui, dans leur perception, leur appréhen­sion, deviennent un témoignage et un éloge. Ce témoignage de la vie du poète se change peu à peu en un témoignage de la vie de tous les hommes. Ces événements, ces souvenirs, ces désirs contri­buent à une écriture au souffle puissant entraînant le lecteur dans le sillage que trace le poète. Le monde de l’enfance, avec ses jeux, ses découvertes, est propice à cette célébration et chacun sait qu’il est à la fois hors d’atteinte et à portée de mots. Aussi Michel Baglin ne se prive-t-il pas de dire sa reconnaissance à ces instants privilégiés dont la mémoire restitue le contenu avec émotion :

 Je rends grâce même à l’école pour quelques odeurs d’encre mêlées à celles des feuilles tombées des marronniers et des goûters au fond des cartables.

Cette vision s’accroît, englobant les voyages, les vacances de l’enfant qu’il était et qui sont restitués avec les yeux d’autrefois. Mais s’en tenir à une telle perception serait réducteur et le regard, la pensée de Michel Baglin s’élargissent pour se porter vers les autres, absents et présents, ces hommes, ces héros inconnus vers qui se dirige sa compassion : là encore l’écriture vibre, chargée de sensibilité. Les mots permettent à l’homme de prendre conscience de lui-même, et le regard du poète se tourne vers ces êtres aux­quels il se confond et par le biais desquels il peut célébrer l’amour, l’intimité, la femme et sa sensualité:

 Je rends grâce aux îles blondes des lampes de chevet, aux heures de paix dorant lentement au four des soirs d’ambre

près du corps d’une femme qui se love dans sa nudité pour la nuit.

Dans ces pages au lyrisme discret et qui traquent la réalité, la magnifiant, Michel Baglin résiste à tout désespoir sous l’impul­sion de la poésie. Aussi est-ce avec reconnaissance qu’il célèbre le monde des humains auquel l’écriture accorde un sens véritable. Dès lors, c’est au lecteur de « rendre grâce » au poète pour ce chant vibrant et incessant.

 Max Alhau  Autre Sud

 

 

 On reconnaît le ton de Michel Baglin, qu’il écrive en prose ou en vers comme ici. Et quels vers ! Longs, amples, lyriques, d’une musicalité parfois déconcertante, pas de rythmique simple malgré la litanie, pas de cadence qui vous berce jusqu’au sommeil, non, des phrases qui s’effilochent et se ramifient comme un thème de Coltrane avec des syncopes, des ruptures à la Chet Baker. En même temps, ce long poème en quatre partie est une action de grâce, qui prend par moment des accents, sinon liturgiques du moins gidiens (celui des Nourritures). A quoi l’auteur rend-il grâce avec cette ferveur, cet amour de la vie, ce désir permanent de nommer ce qui va dans un monde qui ne va pas si bien et qui constitue un peu sa marque de fabrique ? Il rend grâce à son enfance, à ses rencontres, à ses amours, aux décors et aux hommes qui le font être, non heureux ou malheureux, mais en progrès, en mutation perpétuelle, en refus de ce qui est immobile. C’est pourquoi il énumère et remercie jusqu’aux épreuves qui l’ont forgé, modelé plutôt, en glaisé non cuite et recuite, avec le souci perpétuel de saisir les choses les plus ordinaires, les expériences les plus ténues. Ça commence par un hymne aux ivresses, aux bouts de jours ou de nuits où les mots redeviennent possibles ; ça continue par une remembrance des paysages originels ; ça caresse les hommes et les femmes, amis ou anonymes, qui donnent la force d’espérer, le courage de se dresser et ça se termine, peu ou prou, par où ça avait commencé : la poésie, l’écriture, les mots un peu saouls qui en disent plus que les autres, et recréent le monde :

 «Hors contexte, rien sans doute n’aurait eu de prix.

Aussi je rends grâce à ce qui m’entourait (...) et par quoi le sens advint»

Alain Kewes.  (Décharge) 

 

 

 

 

 Après avoir célébré « L’obscur vertige des vivants » (Le Dé bleu, 1991), Michel Baglin rend grâce de nouveau « à tous les vertiges qui font l’incertain ». Poème à la respiration ample (mais dans une to­nalité quasi confidentielle qui exclut toute emphase), « L’alcool des vents » s’ordonne en quatre chapitres qui sont autant de litanies propres à chanter « la vie réelle, qui ne met pas de majuscules ». Louanges aux riens de l’existence, aux « clairières qu’ouvre l’étonnement », au hasard, à l’homme vulnérable. « Ne t’étonne pas que je rende grâce, moi l’athée. Je ne m’adresse qu’au vent. » Oui, à l’al­cool des vents, aux ivresses (« ivresse du large... de la musique qui dénoue les entrailles »). Des métaphores de haut vol s’articu­lent ici avec des tournures familières, le subtil s’accommode des relents du quotidien le plus trivial pour nous donner à saisir « un plus grand réel à portée de mots ». Évoquant l’enfance, le temps où « les choses nous regardaient être là », où l’on apprend des bêtes « qu’on ne vit qu’aux aguets, d’un tremblement d’échine », Michel Baglin en retient le don d’inquiétude et l’attention à « ce qui déroute, fausse les compas, arrête la montre ». Et parmi les êtres d’inquiétude, il s’attache aux solitaires (qui sont aussi les « solidaires de chacun, mais à l’écart des foules »), aux « rebelles à l’air du temps », à ceux qui « toujours passent à côté ». La poésie n’est-elle pas, électivement, faite de cette inquiétude ? Avant de nous réchauffer le cœur de cette « humilité fraternelle que tout lecteur connaît quand il s’agrandit de l’autre, par la justesse des mots redevenu le même », l’alcool du poème doit son authentique degré d’incanta­tion aux incertitudes renouvelées du poète davantage qu’a la seule « distillerie ronflante du réel ». Rendons grâce à Michel Baglin de nous le verser à l’état pur, nous procurant ainsi « un peu de ver­tige pour relancer la marche » et peut-être des « lendemains moins froids ».

 Michel Passelergue

 

 

 Lui, l’athée, rend grâce. A qui s’adresser, faute de dieu, sinon au vent, aux arbres ou aux bêtes ? Pourtant, la ferveur dont il fait montre s’apparente à celle d’un croyant : « l’Alcool des vents » est un chant d’action de grâces, un hymne à la vie. Un hymne nostalgique toutefois. Car ce poète délicat fut - comme tout homme - un enfant, un « gosse fureteur » s’inventant des nids en forme de cabane d’Indien, pêchant des têtards. La voilà restituée, « l’enfance que nous avons tous ou presque trahie », faite d’émois, d’odeurs intenses - « encre, feuilles tombées des marronniers », « goûters écrasés au fond ses cartables » -, de rires de filles, de chiens et de chats qui l’ont « quelquefois adopté comme un frère maladroit », jusqu’à ce qu’il tourne le dos « aux jouets sans mystère », leur préférant « les secrets de la resserre », « une échappée dans le chantier voisin »: le monde des adultes, qui nous happe plus tôt qu’on ne le souhaiterait.

 C’est alors, peut-être, que naquirent, chez l’enfant blessé, dans une Sologne d’exil, des désirs d’écriture. « L’Alcool des vents » ne masque rien des déchirures, des fureurs, des frustrations, des indignations, des renoncements, des doutes qui, au fil des ans et des obstacles, firent de lui un être de chair, de sang, et de sentiments.

 Michel Baglin est d’ici, « un peu d’ailleurs, un peu d’hier ». Sans doute est-il plus rêveur, plus rebelle, plus assoiffé de justice que d’autres. Il rend grâce, aussi, aux solitaires, « au poète en nous qu’une simple vague fascine », « à tous les vertiges qui font l’homme incertain ». Aux femmes - c’est l’évidence - « amantes un peu touchées des fées ». On ne ressort pas intact de cette lecture qui nous laisse titubant, inondés de nos propres nostalgies, de nos frayeurs intimes, exaltées comme le ferait un alcool fort. Pour cette troublante offrande, rendons grâce à son auteur.

 Philippe Brassart. «  La Dépêche du Midi »

 

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