C'était la librairie des réfugiés espagnols à Toulouse
L'Institut Cervantes de Toulouse a décidé de rendre hommage à travers une table ronde, le mercredi 22 avril à 18h30 à un libraire espagnol en exil, Josep Salvador (Palafrugell, 1908 - Toulouse, 1974) qui avait créé, avec d'autres républicains réfugiés, la Librairie des Éditions Espagnoles (1946-1973) située Boulevard d'Arcole, à Toulouse. Il avait ainsi mis en place toute une ligne éditoriale diffusant la culture espagnole qui connut une continuité avec la création d'une autre librairie, par son ami Soriano, à Paris. Espérantiste, linotypiste de « La Dépêche du Midi », mais surtout libraire, il fut un exilé discret, un homme de culture très actif.
Cette table ronde se déroulera le mercredi 22 avril à 18h30, à L'Institut Cervantes (31, rue des Chalets. 31000 Toulouse) et réunira Marie-Louise Roubaud Revilla, Domingo García Cañedo, Francisco Javier Campillo Galmés, Marguerite Salvador-Aflallo.
J'avais pour ma part publié un article sur cette librairie et son fondateur, alors que la fille de Josep Salvador remettait à l'Institut Cervantès les publications retrouvées des éditions « Novela Espanola ». Il a paru en novembre 2007 sous le titre « C'était alors la librairie incontournable de tous les réfugiés espagnols". Le voici.
En remettant à la bibliothèque de l'Institut Cervantes le fonds et les documents des éditions de son père, Marguerite Salvador-Aflallo a ravivé la mémoire de l'exil espagnol. «C'est en nettoyant la maison de campagne de mes parents que je suis tombé sur ces cartons, explique-t-elle. J'y ai retrouvé les brochures et les livres édités après guerre. J'en ai parlé à Javier Campillo, le bibliothécaire de l'Institut, qui s'est passionné pour ce fonds.»
La mémoire familiale rejoint ici celle des Toulousains. Car le père de Marguerite avait créé après guerre un lieu incournable pour tous les espagnols chassés par la défaite républicaine et la dictature de Franco.
Josep Salvador-Puignau, né en Catalogne au début du XXe siècle, avait été imprimeur à Barcelone. Une figure emblématique de tous ces réfugiés qui ont dû quitter leur pays pour franchir les Pyrénées et connaître la douleur et l'humiliation des camps (Argeles, Barcarès, Noé...). Il a vécu ensuite de petits boulots dans la Ville rose - il chargeait les légumes à Arnaud-Bernard et se fit veilleur de nuit au Grand Hôtel d'Orléans. Puis il entra comme linotypiste à «La République du Sud-Ouest» et sera un peu plus tard correcteur à «la Dépêche».
Littérature classique et nouveaux talents
Comme la plupart des Espagnols de l'exil, Josep Salvador était convaincu de la nécessité de défendre la culture et les langues de la péninsule ibérique. C'est ainsi qu'en 1946, en association avec deux amis, il ouvre une grande librairie à Toulouse, à l'angle du Boulevard d'Arcole et de la rue Merly, « La libraire des Editions Espagnoles », dont il devint en 1956 le seul responsable jusqu'en 1973, date de la cessation.
Et, très vite, dès mars 1947, il lance l'édition de petits fascicules pour faire connaître la littérature classique espagnole et les nouveaux talents: Quevedo, Unamuno, Llorca... s'inscrivent au catalogue. Il publie également le bulletin des Jeux Floraux catalans qui se déroulent alors dans diverses villes d'Europe et à Toulouse en 1952.
Combien de livres et de brochures ont ainsi été publiés à l'enseigne de « Novela Espanola »? Marguerite n'en sait rien. Une centaine peut-être. Et c'est la trentaine d'ouvrages retrouvés qui vient de rejoindre le fonds de la médiathèque de l'Institut (riche de 19000 ouvrages et d'un important «fonds de l'exil»).
Avec eux, toute une époque. «Celle où tous les réfugiés et les nouveaux venus passaient par la librairie», ainsi que l'évoque Marguerite. Il y avait alors des chaises et on venait discuter là. «Et les soirées lectures se terminaient toujours par des débats où on ne manquait jamais de s'engueuler copieusement...»
Michel Baglin